Chapitre un
– Vous avez peur du noir, Thomas ?
– Non
– … et de la lumière ?
Incident n°1
Thomas traversa son salon en ligne droite dans le noir, tourna dans le couloir dans le noir, et presque immédiatement son visage s’écrasa contre une paroi solide dont il ne pensait pas qu’elle se trouvait là. Il grogna, plus par surprise que par douleur. Il traversait ce couloir de nombreuses fois par jour, tous les jours, et même parfois la nuit, comme maintenant, pour aller à la salle de bains. C’était un couloir familier. Quand il faisait noir, sa main gauche appuyait mécaniquement sur l’interrupteur à l’entrée et il continuait simplement de marcher le long du couloir, en longeant la bibliothèque et les plantes en pot. Sans même avoir à y penser. Cette fois, pourtant, le couloir était resté dans le noir. Etourdi par le choc, il n’était pour le moment plus sûr d’où il se trouvait. Les yeux grand ouverts, ne voyant rien, les bras écartés sur les côtés, il suivait lentement le mur en arrière vers l’entrée. Est-ce qu’il avait raté l’intérrupteur ? Il s’en serait rendu compte, il se dit, et il se serait arrêté. Sa tête commençait à lui faire mal. Il trouva finalement l’interrupteur et appuya dessus. Rien. Le couloir était toujours dans le noir. Il essaya encore. Toujours rien. Il fallait changer l’ampoule. Mais pas maintenant, il se dit. Il retourna dans sa chambre – traverser le salon, même dans le noir, était plus facile, il y avait un peu de lumière qui provenait de la chambre et il pouvait naviguer entre le contours sombres de la table, de la chaise et du canapé. Il pris son téléphone et l’utilisa comme lampe de poche pour atteindre la salle de bains. Sous cette lumière inhabituelle, le couloir semblait un peu différent, mais tout, la bibliothèque et les plantes en pot, semblaient bien être à leur place. Il avait dû marcher en biais, et heurter le côté de la bibliothèque, il se dit. Il sourit, se disant que sa perception de l’espace n’était pas si bonne que ça, sans l’aide de ses yeux. Il fallait vraiment changer cette ampoule, il se dit.
…
– Je peux vous demander un peu d’aide ?
– Bien sûr, qu’est-ce que je peux faire pour vous ?
– J’ai besoin d’une nouvelle ampoule…
– Bien sûr, suivez-moi… c’est juste un peu plus loin, là à droite
– J’ai apporté l’ancienne avec moi, pour être sûr de prendre le bon modèle…
– Voilà… laissez-moi vérifer. Très bien, je vois… peut-ête celle-là… non attendez… celle-là. Oui. C’est celle-là qu’il vous faut, là
– OK. Merci. Heu… Je vais peut-être en prendre deux. Ca sera plus facile, la prochaine fois qu’elle grillera
– Bien sûr… très bien… mais… est-ce que je peux… laissez-moi y jeter un autre coup d’oeil… hmm… hah
– Hah ?
– Votre ampoule, là, que vous avez amenée… elle a l’air bonne, pourtant… elle n’a pas l’air d’avoir grillé
– Elle ne marchait pas hier soir, je peux vous le dire ! C’est pour ça que je suis venu
– Vraiment ? Ah… bien sûr… mais… je vais quand même la vérifier… juste pour être sûr… venez avec moi
– Comme je le disais je suis sûr que…
– Voilà, je vais la mettre dans une de nos lampes de démo, ça va prendre à peine une minute…
– Pourquoi pas… mais je vous promets…
– Là… allons-y… et… que la lumière soit ! … ah, vous voyez ?
– Oh. Elle… OK. Mais… Oh…
– Apparemment, c’est pas l’ampoule le problème. C’est probablement votre lampe qui fait des siennes
[…]
« The Lamp », John Arnyeck, Lost Editions, 678p.